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À propos de l'automatisation de la culture
29/03/2025

À chaque nouvelle mise à jour d'une ou l'autre IA générative populaire ou grosse annonce dans ce domaine, les internets sont en émoi. Entre enthousiasme décérébré et critique de vieux con idéaliste. Aujourd'hui, c'est à mon tour de m'exprimer et je penche sans l'ombre d'un doute du second côté de la balance.

Voilà le topo.

Ça fait au moins quatre ou cinq ans que l'on entend que l'IA générative va, nous dit-on avec célébration et un brin de d'appréhension, grand-remplacer les "métiers précaires". Parmi ces métiers, ces sots métiers, il y aurait ceux des créatifs, pour lesquels les artistes sont concernés.

Bah oui.

Mais si, rappelez-vous putain. La personne graphiste ou illustratrice à qui vous avez déjà demandé de faire gratuitement un visuel ou un dessin :

Vous ne vouliez pas le ou la payer, mais au pire on s'en foutait ça lui aurait "fait de la pub" et c'était bien suffisant...

Mais siiiii, concentrez-vous. Vous avez peut-être un blog ? Un réseau social à marketer ? Vous faites de la musique peut-être et vous vouliez une pochette de disque ou un logo ? À moins que ce ne soit une asso qui aurait besoin d'un p'tit flyer, "un truc simple hein s'il te plaît, pas compliqué"¹ ?

Et pour ceux qui arrive à en vivre survivre, ceux-là mènent une existence d'esclave peu valorisante où des centaines de leurs projets sont foutus à la poubelle à cause du fonctionnement des appels d'offres où l'on soumet un travail fini à candidature sans garantie de rémunération. J'imagine que c'est ça la vie d'artiste ! Bohème et tout ! Ah ah, quel fun !

Il semblerait en fait que tout ça trahisse un rapport à l'art et la culture extrêmement superficiel²⁹. Dit autrement, pour une grand majorité d'artistes de créateurs de contenu, il n'est pas envisageable de faire de l'art et de persévérer, ni même de seulement s'y essayer s'il n'est pas possible d'en vivre ou de valoriser² d'une manière ou d'une autre ce qu'il serait possible de faire.

La seule beauté du geste, la seule démonstration d'humanité ou l'exploration curieuse de la condition humaine et de sa psyché n'étant apparemment pas une raison suffisante. C'est de la confiture aux cochons s'il n'y a pas de profit. D'ailleurs, tout ça est profondément intégré à nos imaginaires et la façon dont on envisage l'activité humaine. En effet, en 1985 le faquin David Ogilvy disait dans une maxime bien bourgeoise-compatible :

IF IT DOESN'T SELL, IT ISN'T CREATIVE

Maxime évidemment validée par les philanthropes et bienfaiteurs de chez Facebook, qui n'encourage donc pas la création artistique mais la production de contenu. Vous remarquerez le changement de sémantique édifiant sur le futur qui s'opère.

Et David Ogilvy, c'était en 1985... De l'eau a coulé sous les ponts et les modalités de la vie en société, telles qu'imposées par le capitalisme contemporain ont complètement flingué nos rapports à ce que l'on produit et ce que l'on consomme. Conséquemment, il est très difficile d'envisager autrement la possibilité de faire des choses, pour d'autres raison que de faire de l'argent.

Les artistes sont donc en hyper-concurrence entre eux. Seuls les meilleurs³ se démarquent et sont vus, entendus et peut-être découvert par la majorité. Et j'en sais quelque chose...

Si ça ne se vend pas ou si l'algo décide que ça ne figurera pas dans les trends, ça n'a pas de valeur. Alors le message est clair, si d'aventure tu te risques à devenir artiste de carrière tu as intérêt à être obéissant. Ta nouvelle muse est un algorithme opaque. Il t'observe et te juge sévèrement. Pas de tolérance pour les œuvres le contenu offensant. L'auto-censure est de rigueur, il ne faudrait pas froisser son public déjà bien matrixé par les bulles de filtres dans lesquelles celui-ci s'auto-aliène avec enthousiasme.

Et puis il y a ceux qui utilise l'art comme moyen de communication⁴⁷, pour illustrer ou faire valoir d'autres activités ou productions. Ceux-là participent à l'effondrement culturel en étant les premiers acteurs de ce fameux grand-remplacement, quand c'est fait avec de l'IA générative.

Je n'ai pas choisi ce terme au hasard. On parle initialement de grand remplacement pour désigner en France des populations qui ne seraient pas "de souche" et qui, parait-il, effacerait le peuple et la culture française par leur simple présence. Sauf qu'à l'origine de cette fils-de-puterie rhétorique, il y a le fait qu'il y a effectivement eu une vague d'immigration qui répondait à l'urgent besoin de main-d'œuvre, et coïncidence rigolote, cette main-d'œuvre était corvéable et bon marché ! Sauf que la main d’œuvre s'est installée, a obtenu la nationalité française, et a fait des gosses. Quoi de plus normal quand on a participé à l'effort de construction et d'élaboration du pays ? Et puis, intégration oblige, la frange immigrée ou issue de l'immigration souhaiterait quand même bien avoir les mêmes droits et les mêmes salaires que les bons français. Un esclave qui gueule, c'est chiant. Un esclave qui coûte le même salaire que les autres esclaves salariés moins bon marché, c'est carrément pas rentable. Alors on a inventé l'idée d'une identité française, fondamentale, historique et invariable. Identité que l'on peut maintenant opposer au multiculturalisme, qui deviendrait soudainement un problème. Les méchants arabes te volent ton travail parce que tu coûtes plus cher qu'eux ceux-là nous ont envahis et colonisés²⁷ ? C'est donc une bonne raison pour les discriminer encore plus, discrimination déjà invoquée en premier lieu pour justifier plus ou moins directement du salaire peu enviable des racisés⁴². Malins.

Voilà. Sauf que maintenant, les grands-remplacés, ce ne sont plus les français blancs comme des culs, ce sont d'honnêtes artistes et citoyens dont l'origine, la culture et le bord politique sont indifférenciés. Et qui nous grand-remplace cette fois-ci ? Les machines plus ou moins autonomes dont l'IA est la continuité plus sophistiqué⁴⁸.

Et ce n'est pas juste les gens qui sont remplacés dans leur professions, c'est aussi la culture ! Notre culture ! La culture française ! Mais si ! Tu sais bien ! Une culture sacrée et supérieure à celle de tout le reste de l'humanité ! Cette culture que tout le monde nous envie tellement qu'on est trop fort ! Culture que les droitardés ont craint en premier lieu qu'elle se tiers-mondise à cause de ces sales arabes et ces sales nègres qui piquent dans les magasins et violent nos femmes.

Brillant !

Et ouais, sauf que ce prétendu clash des cultures est infiniment moins préoccupant (pas préoccupant du tout en fait) que la question de la production de contenu pour les masses déjà rendu serviles par des années d'aliénations médiatiques et culturelles et dont l'IA est l'ultime culmination technologique, pointue et tranchante. Cutting-edge diraient les américains.

Ah et au fait, l'IA ne volent pas dans les magasins et ne violent pas nos femmes. Par contre elles pillent allègrement la connaissance et le savoir-faire humains et permet à des hommes (souvent blanc et hétéro), grâce au face swaping, de faire du revenge porn bien gratiné.

Je n'entends presque jamais personne s'indigner du putaclic sur Youtube et des séries NUL À CHIER sur Netflix dont 99,9 % sont le résultat d'un processus algorithmique marketing. Merdias qui à leur tour orientent comment nous pensons et ce que nous aimons par la force des choses.

Je n'entends presque personne s'indigner de la multiplication des contenus qui sont des copies, de copies de copies de copies... N'avez-vous jamais remarqué comment, par exemple, les chaînes Youtube de musiques d'ambiance se parent d'images générées par IA qui se ressemblent toutes ?

Des vidéos interminables de plusieurs heures dont les "musiques" sont des nappes de son, minimal au possible, sans âme ni personnalité, également généré par IA ?³⁴

🎵 Winter Nights over the Cyber Metropolis: Snow and Ambient Music | Cyberpunk Balcony | 4K | 10 hrsA Gloomy Ambient Cyberpunk Refuge Hidden in the Rain [PURE ATMOSPHERE]🎵 Serene Loft above the City: Snow and Ambient Music | Cyberpunk Balcony in a Skyrise | 4K | 10 hrs
peace... | Cyberpunk Ambient Mix | 3 Hours of Blade Runner Ambient Music PRECINCT [8 HOURS] - Blade Runner Ambience - Atmospheric Cyberpunk Ambient Music (NO ADS)  SUBSTATION [8 HOURS] - Blade Runner Ambience: Cozy Cyberpunk Ambient Music for Deep Focus (NO ADS)

Et le bât qui blesse, c'est que parmi ces "propositions artistiques" certaines me plaisent vraiment... Forcément ! Dans un catalogue de centaines de vidéos renouvelées tous les mois, toutes les semaines, voire tous les jours, comment pourrait-on ne pas trouver un truc à son goût ? Et d'ailleurs Youtube vous connaît, il sait quoi vous proposer et quoi vous suggérer. Et tout ça est produit sans effort avec de la main-d'œuvre très bon marché : des "youtubeurs" bien dociles qui se plient aux règles à chaque nouveau scandale de la plateforme. Des youtubeurs satisfaits de la Youtube money, qui est en réalité une fraction infime des sommes colossales que génère la plateforme⁴³. Et maintenant, sans graphiste et sans musicien, avec pour seul objectif de créer toujours plus d'engagement.

Et comme Google sait que j'aime le Cyberpunk, la musique électronique, que c'est en grande partie ce que je consomme sur la plateforme... Comme Google sait que je suis un homme plutôt hétéro-normé, que je consomme du porno et qu'il connaît mes fétiches et mes préférences en la matière, qu'il sait que j'aime l'urbex et l'architecture brutaliste...

Que ne vois-je alors pas apparaître dans mes suggestions Youtube ?¹¹

[FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'CONCRETE' | Background MusicCyberpunk / Dark Techno / Wave / Industrial Bass Mix 'DOWNFALL' [Copyright Free][FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'RAT' | Background Music
[FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'COLDARK' | Background Music[FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'VEERACK' | Background Music[FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'ECHO' | Background Music
 [FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'CITYRAIN' | Background Music[FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'BASEMENT' | Background Music [FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'DISSOLVE' | Background Music
 [FREE] Dark Techno / Hard Techno / Industrial Type Beat 'KORE' | Background Music Dark Techno / EBM / Industrial Bass Mix 'CYBERGOTH' [Copyright Free] [FREE] Dark Techno / EBM / Industrial Type Beat 'THRASHER' | Background Music

J'aimerais qu'on prenne une minute pour mesurer la violence inouïe de l'attaque qui est faite contre l'esprit et le libre arbitre collectif... Sans même parler du softporn¹⁵ qui s'insinue absolument partout, et même et surtout, où se trouvent les plus jeunes, se rend-on compte que, à l'instar du pétrole qui démultiplie par un facteur 1000, 10 000, 100 000 la force musculaire, l'information une fois injectée dans le moteur de l'IA démultiplie de façon analogue le pouvoir de structurer et façonner la pensée et l'imaginaire¹² ? Se rend-on compte à quel point c'est systématique, déterministe et industrialisé ? À quel point c'est destructeur, toxique et aliénant ?

C'est notre complaisance envers les géants de la tech qui a rendu possible ce genre de dégueulasserie :

https://theyseeyourphotos.com/ appliqué à l'une de mes photos

Que reste-t-il de mon auto-détermination si l'IA peut instantanément savoir qui je suis sur la base d'une photo ? Que se passe-t-il si c'est recoupé avec toutes les données qui sont connues à mon sujet ? Il se passe que je vais consommer ce qu'on me présente bien poliment et bien gentiment : de la Dark Techno associé à des visuels érotisants, eux-mêmes sélectionnés en fonction de ce que j'aime pour annihiler toute tentative de résistance psychologique en invoquant mon cerveau reptiliens et mes plus bas instincts.

Puis-je même être encore un artiste dans ces conditions ?

Et ça n'est, sans aucun doute possible, que la partie visible de l'iceberg.

C'est pas comme si la première élection de Trump est la conséquence d'une manipulation de masse utilisant la Big Data²³, ni comme si ça faisait 20 putains de longues années qu'est dénoncé le danger que créé le fait de confier toutes nos données personnelles à des entreprises privés...

Et pourtant, année après année, se succède des réseaux toujours plus abêtissant et déshumanisant. Après Facebook, Instagram, Tiktok... C'est quoi la prochaine itération ?

Même nos réseaux sociaux décentralisés, supposément libres, sont en fait construit sur des fonctionnements similaires à ceux des GAFAM. Par exemple, est-ce vraiment nécessaire d'avoir la possibilité de liker le post de quelqu'un d'autre ? Se rend-on compte à quel point un simple bouton change complètement le sens et la porté de l'usage qui est fait du réseau ? Même l'icône de notification et son choix de couleurs n'est pas anodin, c'est une fonctionnalité qui par conception accélère notre consommation passive d'informations et de médias. Et je dis bien "consommation passive", parce que l'accélération dont je parle empêche l'assimilation correcte de l'information et de nos médias.⁴⁹

Posez-vous la question par rapport à vos propres préférences, vos propres aspirations et votre propre sensibilité : dans quelle mesure les algorithmes vous donnent ce que vous voulez et dans quelle mesure il a été décidé pour vous ce que vous allez aimer ? Quel effort de curiosité avez vous fourni pour découvrir telle œuvre ou tel artiste⁵⁰ ? Qu'est-ce qui relève de l'algo ou de la sérendipité ? Qu'en est-il des faiseurs de contenu ou des influenceurs que vous suivez ? Êtes-vous bien certain en tant que consommateur que vous n'êtes pas piégés dans une prison faite de miroirs noires vous renvoyant exactement ce que vous voulez voir : une réalité vidée de sa substance, simplifiée et compatible avec vos préjugés ?

Et ne vous gonflez pas d'orgueil en revendiquant votre appartenance à une catégorie idéologique que vous imaginez supérieure à celle des autres. Inutile de vous défendre en vous gargarisant d'appartenir à une communauté de gens éclairés contre le capitalisme et le mode de vie qu'il implique. Tout se markète, tout se monétise, même la critique du capital et de la modernité :

  • Des syndicats et collectifs qui organisent et planifient les luttes sur Facebook.
  • Des hipsters vegans en quête d'un autre mode de vie qui se pavanent avec des produits high tech de chez Apple pour se donner un genre ...
  • Des gourous et influenceurs New Age qui vendent des produits bien-être à des sommes délirantes
  • Des informaticiens et artistes libristes qui jouissent de l'instantanéité de Deliveroo ou Ubers Eats³³
  • Et tout récemment, la location de personne pour aller manifester à votre place...

Bienvenue en enfer.

Tout le monde prétend lutter pour l'émancipation, alors que tout le monde joue exactement au même jeu de la domination des uns sur les autres. Alors quel espoir reste-t-il quand, même sur mes réseaux sociaux et communautés prétendus libres, je vois passer des choses faites par IA associées à une démarche militante ? Ça me rappelle quand 15 ans plus tôt nous pensions changer le monde avec des hashtags sur Facebook ou Twitter en s'indignant publiquement sur toute l'injustice du monde, comme si notre voix allait être entendue et changer quelque chose. Et oui, on a très bien été entendu : tout ce qu'on a gagné, c'est d'être analysé, décortiqué et catégorisé en fonction de nos sensibilités politiques et de nos usages. Nous n'avons rien amélioré. Au contraire. Chaque petit geste numérique sur le Web des GAFAM perpétue et aggrave l'aliénation.

Le bon geste aurait été alors de déserter, au moment où c'était encore possible, toutes ces plateformes. Prendre la rue et faire advenir le grand soir dans le feu et la violence. Mais comment se soulever quand précisément la révolte, qui est donc un geste nécessairement violent, est culturellement et institutionnellement lourdement condamnée ? Et oui, je vais avoir de GROS problèmes si je vous appelle à faire une Luigi Mangione ou défoncer des voitures Tesla ! Un comble dans le pays de la révolution³⁶... Rappelons par ailleurs que pendant les manifestations pour nos retraites, la gendarmerie a forcé Manu militari les ouvriers des raffineries à travailler...

Conséquemment, ne seriez-vous donc pas en fait dans une batterie d'élevage où vous ingurgitez toute la putain de journée la même merde, faite sur mesure à moindre coût, pour vous maintenir docile et vous faire croire que vous êtes différent de votre voisin ? Vous ferais-je l'affront de vous rappeler le propos éculé d'un certain film de 1999 parlant de réalité virtuel qui se superpose au vrai monde ?

Si nous sommes traités comme du bétail par nos maîtres, n'est-ce pas parce que nous nous comportons comme tel en premier lieu ? Aussi affreux que cela puisse être, ne donnons-nous pas raison aux bourgeois de nous mépriser à chaque fois que nous insérons notre carte bleue pour consommer du Spotify, du Netflix, ou peu importe l'énième plateforme de service payant en ligne ciblant le marché de niche auquel VOUS correspondez ?

Ça va ? Elle est bonne ta nourriture transformée avec sucre ajouté, conservateur et exhausteur de goût ?

La vérité c'est que l'abattoir qui achèvera nos existences n'est pas dans le futur. Nous ne sommes pas élevé toute notre vie en vue d'être transformé en produit ou commodité. La vérité, c'est que mille fois nous sommes abattus puis découpés en tranches, et mille fois nous sommes consommés. Chaque jour que le Dieu sadique et déviant fait⁴⁴, vous vous levez et CONSOMMEZ, accroché à votre écran, l'information et les médias taillés sur mesure pour vous garder sous contrôle. Chaque jour qui passe nous allons travailler pour perpétuer et entretenir ce système qui est la source même de toute notre misère.

Extrait de One Of Us, Tome 2, page 29 par David Sala en 2010

Et bordel de merde. Qu'est-ce que c'est cliché, qu'est-ce que c'est éculé comme rhétorique... Alors pourquoi ça me fait si mal ? Malgré l'évidence bien connu et déjà exploré en long et en large, nous sommes individuellement et collectivement incapable d'arrêter cet enfer. Enfer qui, à l'image de l'IA, se développe et se renforce exponentiellement. Il ne vous a pas échappé que depuis 2018 l'actualité s'accélère, s'accélère, s'accélère...

Nous en sommes donc là. Entre impuissance tétanique et abnégation sidérée. Aucune prise de risque artistique, thématique ou journalistique. Et quand bien même prise de risque il y aurait, elle est totalement invisibilisée par le flux constant d'informations. L'infobésité a atteint un tel niveau que l'on est devenu insensible à des choses dont le dixième de la violence aurait, il y a 10 ans, mis en émoi la France entière pendant des semaines ou des mois³⁵ :

Qui aurait cru en 1945 que 80 ans plus tard nous regarderions un nouveau génocide abondamment documenté dans toute son horreur, en temps réel et confortablement installé dans notre canapé²⁸, le tout entrecoupé de publicités pour nous détendre ? L'impunité est rendue possible aussi parce que cette infobésité nous paralyse de l'intérieur.

Pendant ce temps là, et toujours avec de l'IA, Trump nous chie dans la gueule avec ce genre de monstruosité :

Si dans les années 40 il a pu être possible, sans technologie de l'information, de mettre en œuvre l'holocauste, peut-on alors s'étonner que les bulles filtrantes et les algos catalysent la haine et l'orientation politique encouragent à se pavaner dans la rue de la sorte malgré nos antécédents historiques ? Et d'ailleurs, ces algos et bulles filtrantes n'appartiennent-elles pas à des fascistes en puissances ?

Et comment pourrions-nous d'ailleurs nous en plaindre puisque comme on l'a vu Netflix, Youtube et tous les réseaux sociaux nous donnent exactement ce qu'ils ont calculé que nous aimerions, tout en se gardant bien d'être trop subversif et transgressif ?

Avons nous même l'énergie et le temps pour digérer la contradiction ou sortir de notre zone de confort quand la réalité du monde est tellement anxiogène et épuisante qu'il ne reste plus d'énergie que dans la recherche passive de validation et de divertissement débilitant ?

Parce que d'aventure si l'on décidait individuellement de reprendre sa destiné en main, il faudrait faire l'effort harassant de rééduquer notre cerveau à l'absence de bruit constant numérique, de rééduquer notre cerveau à un écoulement du temps normal. Se réaccoutumer au fait que dans la réalité physique, les choses ne sont pas instantanées. Constater que la culture et la présence humaine dans le monde physique sont en partie désertées on invisibilisées, parce que tout se passe et s'organise sur internet²⁴. Tout est à reconstruire et cela demande une discipline martiale. Ce n'est pas juste claquer la porte et vivre, off-the-grid, dans une ferme que vous n'avez de toute façon pas les moyens de vous payer. Ça n'est pas si simple. Il s'agit d'aller contre la gravité, parce que nous tombons. Tout ça c'est une longue et interminable chute dont l'accélération rend dangereux, sinon létale, pour un individu toute tentative de freinage. Alors à quoi pouvons nous nous raccrocher pour ne pas tomber d'avantage, suspendu entre le passé que l'on a consommé et le futur qui nous consomme ?

Même la supposée wokisation de Netflix, qui voudrait faire croire que le capitalisme gagne en vertu²⁵, est une supercherie qui exploite l'opportunité de marché qu'a été la communauté LGBT. Une cible communautaire comme une autre, puisque consommateur potentiel qu'il est possible de séduire et brosser dans le sens du poil.

Et de l'autre côté, les droitardés et les mascus étant trop cons pour le comprendre, ceux là se gargarisent de la montée du fascisme et du conservatisme trumpiste avec le soutien des GAFAM. Tout ça ce n'est pas parce que l'idéologie de droite a vaincue, mais parce que le marché a (en apparence seulement) changé de tendance, jusqu'à la prochaine fois... S'il y en reste une...

Et qu'on ne s'y trompe pas : peu de gens parmi les gens de gauche, particulièrement dans les communautés LGBT, ont vu venir l'arnaque, trop éblouies qu'iels étaient par leur reconnaissance en tant que minorité dans la pop culture et l'espace public. Sauf qu'en réalité, il n'y aura pas d'émancipation ni de fin des oppressions quelles qu'elles soient tant que le capitalisme existera. Parce que les minorités sont un levier de domination pour exploiter, diviser et créer des marchés.

Voilà pourquoi, entre autres raisons³⁷, les SJW ont tant été haïs et moqués en leur temps. Leur dissonance cognitive étant d'une grossièreté et d'une bêtise tellement outrageante, qu'il faut rappeler une énième fois que les luttes, quand elles sont isolés, sont inefficaces.⁵¹

Et c'est précisément parce que, individuellement ou en petit groupe idéologico-politique, chacun gueule dans son coin et prèche pour sa paroisse que la convergence des luttes échoue. Comment faire front ensemble quand tout nous sépare ?³⁰ La faute aux réseaux sociaux conçus pour galvaniser nos pires instincts et en faire un style de vie : Postures égocentrique, narcissisme, virtue-signaling, individualisme. La culture qui devrait nous rassembler s'y éparpille et s'y émiette. Elle y est raffinée, transformée et recyclée ad nauseam.

Avec la fascisation exponentielle des USA, on ne s'étonne donc pas que le capitalisme made-in Silicon Valley cesse de faire semblant de se wokiser pour faire plaisir au petit marché des consommateurs progressistes, quand il y a tant d'argent à faire avec celui des conservateurs, maintenant en position de force.

Eh oui, il faut voir la gueule de Twitter X aujourd'hui ! Et les récentes annonces de Meta concernant la modération et sa politique managériale ! Symptômes de la correction de trajectoire que prennnent ceux qui déterminent la culture et la civilisation à notre place.

Si ça n'était pas encore assez clair, le capitalisme se fout de ce qui est bien, de ce qui est mal. Le capitalisme se fout de ce qui est progressiste et de ce qui ne l'est pas Le capitalisme veut convertir tout ce qu'il est possible de convertir en capitaux. Peu importe les moyens ou les conséquences.

Au programme :

  • De la haine et du complot pour redéfinir le narratif de votre existence misérable et trouver un bouc émissaire.
  • De la propagande et de l'idéologie de droite qui trahit volontiers l'idée revendiquée de souveraineté nationale, en disant amen à un marché international ultra-libéral qui rachète et revend à l'étranger votre entreprise, ainsi détruite par le cycle incessant de restructurations que ça implique.²²
  • De la thérapie quantique et de la spiritualité New Age si vous êtes un anxieux hypocondriaque en quête de sens dans cette triste époque matérialiste et superficielle.
  • Du virtue signaling agressif en forme d'indignation et de colère par palette de 12 en réaction névrotique à toute la misère et l'injustice du monde, avec pour promesse l'endorphine de la validation sociale.
  • Des conseils en bourse et de la finance spéculative dérégulée pour tous les cryptobros de 15 ans qui rêvent d'argent et de gloire facile.
  • Du sexe et du porno aseptisés par écrans interposés, qui dicte ce qui est beau et ce qui est laid dans la limite des fétiches et tabous autorisés par la législation de votre pays, certains étant plus créatif que d'autres pour le meilleur ou pour le pire. Souvent le pire¹³.
  • Des influenceurs inspirants et des coachs de vie pour celleux qui ont besoin de se réinventer et se sentent mal dans leur peau, la faute à une représentation d'eux-même que notre économie ultra-concurrentielle amène par la force des choses à rendre obsolète et désuète : vous ne serez jamais assez bien et il faut continuellement tendre vers le mirage de la meilleure version de vous-même, telle que tyrannisée par l'algo caché derrière la diaspora qui ne vous laisse exister que si vous êtes en tendance ou par votre patron qui EXIGE de la performance au bureau.
  • Du sensationnalisme capitalisant sur la méchanceté et la perversion en ligne, prétendant dénoncer les horreurs et la folie de certains spécimens humains, alors qu'elles en sont en fait le fonds de commerce.
  • Des auto-diagnostiques improbables de maladie mentale ou de handicap pour vous faire plaindre, invisibilisant encore plus les personnes qui sont vraiment malades.
  • Des défis à la mode en tendance, pour faire des vues quitte à y laisser la vie.

La boucle est bouclée.

Vous n'avez virtuellement aucun moyen de vous échapper de la prison mentale que l'on a collectivement construite pour chacun d'entre nous, en commentant, en répondant, en likant et en partageant les merdes qui circulent à la vitesse de votre connexion 5G, sans aucun auto-contrôle. Le bruit mental est INSOUTENABLE. La vitesse à laquelle change le monde rend impossible à quiconque de s'adapter (et c'est un professionnel de la tech qui vous dit ça). Impossible de s'entendre penser. Impossible de prendre son temps et de déconstruire tout ça.

Tout va trop vite. Les réactions et l'existence dans la vie sociale du cyber-espace doivent être efficace, rapide et limité en caractère alphanumériques³⁸.

Qui lit encore des blogs en 2025 d'ailleurs ? Vous reste-t-il la concentration suffisante pour lire plus de cinq paragraphes sans être déconcentré par une pensée parasite ou une notification ? Et moi, ai-je le droit de vous confesser que dans un coin de ma tête une voix me hurle que ce que j'entreprends dans cet effort de rédaction est une perte sèche de temps et que je ferais mieux de me consacrer à autre chose ?

Et c'est ainsi que, sans même s'en rendre compte, l'internet et l'espace public deviennent une cuvette à chiotte où les entreprises et les consommateurs chient ensemble de concert dans une célébration décadente une culture digérée et ré-ingurgitée mille fois par d'obscures algos et IA... Ces IA qui, non content de s'intoxiquer elles-mêmes en s'entraînant sur leurs propres productions déjections, étouffent et noient ce que les artistes de bonne volonté essaient de rendre visible, incapable de suivre la cadence.

L'exigence que l'on est en droit d'attendre de la culture et des services créatif et donc encore plus nivelé par le bas. La diarrhée numérique souille les affiches publicitaires, que ce soit celles des entreprises ou des services publics³⁹. Les flyers, les vignettes de vidéos, les communautés en ligne d'artistes comme DeviantArt, les blogs tout ou en partie illustrés par de l'IA. Même le cinéma et les jeux vidéos sont concernés⁴⁰. Tout est flingué, tout est moche, tout est tiré vers le bas.

Idem pour les fils de discussion sur les réseaux sociaux qui sont maintenant peuplés par des LLM¹⁷. Et leur présence n'est pas innocente, puisqu'entre autres choses elles participent à orienter l'opinion public et à propager de la fake news...

La pollution n'est plus seulement dans l'air, dans les sols, dans la nourriture et dans l'eau : elle est dans la base même de ce qui sert à alimenter et stimuler notre esprit. J'aimerais qu'on réalise l'horreur absolue de ce qu'il se passe :

En cinq années d'existence l'IA a ravagée l'espace mental, économique et culturel de la civilisation. Et ça ne nous a coûté rien de moins que toutes nos données, notre vie privée, toutes nos expertises, des fortunes de fonds public investies dans la recherche pour rester au niveau à l'international et des centaines de milliers de tonne de CO² libérées dans l'atmosphère.

La croissance n'étant pas infinie parce que les ressources ne le sont pas, le capitalisme se doit de se réinventer et créer de nouveaux marchés en détruisant les anciens au nom de l'innovation. Détruire des marchés à marche forcée, c'est détruire des vies, c'est détruire des métiers, des savoir-faire, des liens sociaux. Ceux qui n'arrivent pas à suivre sont laissés pour compte, déclassés et sont complètement dépassés dans leur inaptitude à saisir les enjeux de l'escalade technologique qui se joue en ce moment même. La même logique s'applique pour la prétendue croissance infinie du potentiel illimité de la connaissance et de la culture humaine, dont un certain escroc tristement célèbre¹⁰ affirme pourtant qu'elle existe.

Comprenons que la connaissance et la culture sont des choses qui avancent de concert avec les mouvements sociaux et économiques de l'humanité. C'est-à-dire que nous avançons petit à petit, au gré des mutations de notre société à un rythme raisonnable, constant et naturel. Certaines œuvres sont intemporelles de par leur portée universelle, alors que d'autres sont purement générationnelles ou s'inscrivent dans un contexte historique bien particulier.

La création artistique se nourrissant de la sensibilité et du vécu des gens, il est normal que celle-ci évolue en phase avec les moments historiques forts de son temps. Ainsi à chaque génération nous réinventons l'esthétique et le sens du monde par l'actualisation de nos designs et de nos usages. Tous nos imaginaires sont la somme empilée de nos expériences et de notre histoire, à un moment donné, dans un contexte social, économique et géopolitique bien particulier. En d'autres termes : ces cultures et cette civilisation qui s'élaborent ainsi sont le reflet cohérent de qui nous sommes.

Mais alors que se passe-t-il quand d'un-coup-d'un-seul la technologie permet d'inonder tous les canaux d'informations et vecteurs culturels de produits qui se voudraient être l'écho de nos existences, alors qu'elles en sont l'exact contraire : des plagiats désincarnés et des produits statistiques ?

Il se passe que plus rien n'a de sens puisque que nous sommes noyés mentalement dans une réalité artificielle que l'on ne peut plus rattacher ni à des faits, ni à des gens. Et nous sommes au bord du moment ou la fiction sera indiscernable de notre histoire collective. C'est une question d'années, peut-être de mois. Pour certains, nous y sommes déjà.

Prenant bien la mesure de nos limites et de notre vacuité, de notre incapacité à réinventer le monde, l'art et la civilisation, un mur indépassable se dresse : un mur que l'on est en train de se prendre dans la gueule avant extinction. Mur culturel que certains théorisait déjà avec la hype autour du retour de l'esthétique des années 80 dont le cœur, l'origine et la niche sont cristallisés dans feu le Vaporwave¹⁶. Parce qu'une question horrible se pose : puisque le futur utopique que l'on nous promet n'advient jamais, et puisque nous ne parvenons plus à envisager un futur heureux ... Est-ce que tout n'a alors pas déjà été dit ? Est-ce que tout n'a pas déjà été fait ? Que reste-t-il sinon la nostalgie d'une époque révolue. Nostalgie qui par ailleurs et comme on s'en doute se market et se trend aussi... Et maintenant que l'IA déploie nos idées plus vite que nous ne le ferons jamais ? Est-ce que cela a même du sens encore de penser et de créer ?⁵²

À la lumière de ce propos, l'univers fictionnel des Backrooms proposé par Kane Pixels prend un tout autre sens¹⁹ : ces infectes couloirs jaune pisse offrent une forme allégorique à l'égarement et la perte de sens à l'heure de l'hyperconnectivité. Ces espaces infinis sont en fait notre civilisation numérique façonnée par le capitalisme, qui se déploient continuellement grâce à la main invisible du marché et dont les veines sont nos réseaux informatiques. Et plus on avance dans ces couloirs, plus ceux-là sont dérangeants et oppressants. Mais on ne peut rien faire d'autre que d'avancer, sinon ne pas bouger, mourir de soif, de faim et d'isolement... Incapable de se réinventer et d'être autre chose que ce qu'ils sont déjà, les variations infimes de ces couloirs et pièces vides désarticulés tombent dans le spectre de la vallée dérangeante. Vallée dérangeante qui ne relève plus d'anthropomorphisme, mais de l'architecture¹⁸. Ces espaces sont terrifiants parce qu'ils miment ceux habités par les humains sans en avoir ni la logique ni la praticité de tel sorte que ce labyrinthe atteint le plus haut niveau de non-sens et de désincarnation. Ces espaces continuent de se déployer et de justifier leur existence même par leur simple présence immémoriale et son mode de fonctionnement dont la directive est simple : croître. Croître indéfiniment, pour toujours, et partout. Avec ou sans humain pour peupler cet enfer. Les humains tombés dans les Backrooms en sont prisonniers pour toujours. Irréversiblement isolés du reste du monde, ça n'est que mort que les Backrooms, peut-être, vous recracherons dans la réalité... Privés de repère, de sens et d'explication l'existence des victimes des Backrooms est assujettie à la volonté mortelle et abstraite du labyrinthe. Les Backrooms, non content d'avaler les hommes et femmes qu'elles font prisonnier, les transforment en monstres qui participent activement au fonctionnement et la nature même de ces Backrooms. Les Backrooms ne détruisent pas seulement de l'intérieur, les Backrooms détruisent le tissu même de la réalité en infectant le monde réel qui peu à peu cesse d'exister.

Le dernier long épisode de la série "Backrooms - Found Footage #3" ne laisse aucun mystère sur l'intention de Kane Pixels et le méta-propos de son œuvre. Les Backrooms sont intelligentes. Les Backrooms miment le réel et apprennent avec le temps à perfectionner leurs représentation de la réalité. Le labyrinthe n'est alors plus un objet allégorique, il devient un personnage et une entité à part entière. Les Backrooms, en fait, ce sont nos IA générative...

Et pendant ce temps là... L'imagination toujours débordante de la start-up nation et du mythe de l'entrepreneur me donne envie de me transformer en serial killer de masse et de coller une balle dans la nuque à quiconque se gargariserait de pimper sont business de merde à l'aide de machine learning⁴⁵. Déjà en 2019 j'étais violemment remonté contre cette culture de l'entreprenariat, qui à l'époque surfait sur la dernière connerie à la mode. Difficile d'imaginer alors qu'il serait possible de faire pire après les crypto-shit-coins, c'était sans compter les NFT et le Web 3.0.

À l'époque dis-je... C'est pourtant pas si lointain... À l'échelle d'un humain non, mais pour internet et le marché, c'est une éternité. C'est aussi ça la dilatation et le fractionnement du temps qui nous dépossède de notre vie et renforce notre sentiment d'impuissance. Tout va trop vite pour agir, et tout semble mort et emprunt d'une inquiétante étrangeté quand on éteint nos écrans et que l'on se déconnecte.

L'actualité n'attend pas. Le temps qu'il me faut pour finir la rédaction de ce billet de blog et voilà que le sujet sera déjà obsolète...

Revenons à ce dont je témoignais au début, revenons à des choses pragmatiques : quand je disais que les clients potentiels pour un service d'illustration ou de graphisme, sans aucun respect pour le travail du créatif, demandent innocemment quelque chose de "simple" pour justifier de la gratuité du service. Cette dévalorisation est furieusement insultante et démoralisante : bon sang, si ça doit être si simple, pourquoi ne pas le faire toi-même ? Pourquoi demander à un professionnel ? Pourquoi tu ne payes pas pour le service dont tu as besoin ?

Maintenant, la question ne se pose même plus. Non seulement ce que font les IA est virtuellement gratuit, mais en plus elles font ce qu'on leur demande de faire sans négociation de tarif ou de niveau de complexité !

En vérité, ces potentiels clients ne cherchent ni l'expertise ni la qualité. Ce qui les intéresse c'est la représentation en société de soi et du projet porté. La possibilité de markéter ou de faire valoir. On peut maintenant troquer le tampon "fait par un professionnel" par "réalisé grâce à une technologie de pointe". Mais l'un ou l'autre, ça n'a aucune valeur, tout comme les symboles d'emballage plastique indiquant que le produit est bio ou recyclable...

L'IA générative évince l'altérité et la pensée critique au cœur même du processus créatif, qui est à la base d'un service ou d'une œuvre de qualité⁵³. Et oui, parfois un artiste freelance peut vous dire que votre idée, c'est de la merde. Et oui, un artiste freelance peut refuser d'offrir ses services dans le cadre d'un projet qui va l'encontre de ses valeurs. Oui un copain créatif peut se désolidariser de votre projet, soit parce qu'il n'a pas le temps, soit parce que ça ne l'intéresse pas ou plus.

C'est vexant, c'est frustrant, c'est décevant, parfois décourageant, mais c'est ça vivre en société et ça qui, paradoxalement, pérennise la civilisation.

Cette logique marchande du moindre effort crée sans surprise un marché de l'IA de compagnie qui trouve sont origine dans un épisode de Black Mirror. Littéralement. En effet, la créatrice de Replika avait expliqué que la création de son entreprise avait été motivée par la perte de son conjoint et le visionnage d'un de ces fameux épisodes²⁶ ...

Alors comme une IA ira toujours dans votre sens, et s'adaptera à votre personnalité il n'y a plus besoin de se casser le cul à séduire, à communiquer, à être présentable, aimable, à savoir être. Les gens sont des cons et toi tu es bien meilleur que tout le monde. Le syndrome du protagoniste devient une opportunité de marché quand votre IA de poche est capable de vous envoyer des nudes et vous trouve formidable sans réserve, quoi que vous fassiez ou puissiez dire. Alors que, précisément, l'IA conversationnelle ou générative nous isole et nous conforte dans notre médiocrité. Ça aussi c'est une façon de perpétuer les classes sociales.

Tout ce business pue la merde. La merde, l'opportunisme cynique et le désespoir.

Croiser la route d'une illustration facilement reconnaissable comme étant le produit d'une IA dans un article de blog ou dans un magazine est un ÉNORME red flag sur la qualité et l'ambition de ce qui est vendu ou proposé. Ça n'est que pure hasard si de nombreux journaux de droite libérale profite de cette opportunité technologique pour mitiger la perte de croissance de leurs torchons tout en surfant sur la hype de l'IA pour ne pas payer de graphiste, de photographe ou d'illustrateur. Ça n'est vraiment qu'une coïncidence malheureuse si des youtubeurs ou blogueurs boutiquiers utilisent l'IA pour s'offrir une légitimité avec des illustrations dont la qualité est au mieux discutable pour des produits ou services désastreux⁴⁶.

Prenons un instant pour observer cette annonce.

C'est même difficile à croire que quelqu'un puisse avoir le culot de mettre en ligne un truc pareil. Rien ne va. Le titre de l'annonce invraisemblable... L'illustration censée contribuer au référencement, la description du "produit" rédigé avec ChatGPT, les faux commentaires et notes d'utilisateurs achetés sur des fermes à bots... Et là, incrédule que nous sommes devant tant de bouffonnerie, on peut se demander quel débile va payer 60€ pour invoquer l'esprit d'une française séductrice pour l'aider dans sa vie amoureuse... À quel point faut-il être stupide et désespéré pour en arriver à consentir à pareille indignité ?⁵⁴

Et bien l'esprit d'entreprise et de compétition, c'est aussi ça : la mesure pragmatique du coup de production, du risque et du bénéfice. En effet, en se posant deux secondes et fort de notre expertise en marketing viral, il ne nous a pas échappé qu'il y a une trend active sur les réseaux sociaux autour de la pratique de la magie et de l'ésotérisme. Que ces trends permettent de vendre de la spiritualité cheap ou des accessoires occultes et que donc, quitte à enfumer les gens, autant y aller à fond sans plus faire aucun effort pour réduire les coups de production, à savoir le temps investi dans le community management, le matériel, les micros, l'éclairage, les caméras, les accessoires de magie, les costumes, les livres, les autels rituels...

En 5 minutes sur ChatGPT, vous pouvez réaliser une offre de rituel qui à toutes les chances de ne pas être prise au sérieux. Sauf, qu'il suffit qu'une ou deux personnes y croient et y mettent de l'argent et bim : vous avez gagné 60€ sans rien faire ni produire.

Et si tu penses qu'il s'agit d'un phénomène isolé je te laisse apprécier l'étendue du désastre sur Etsy, ici

  • Powerful Death Curse Spell : ah ouais, un sort magique pour assassiner quelqu'un ? Que fait la modération ? Où est la police ? Pour trente euros ET cinq centimes...
  • Big Boobs Spell, for hot and sexy breast : la chirurgie esthétique, c'est quand même un budget, hein, et comme le physique ça compte...
  • Vagina Tightening Spell : ah bah ça... À force de bien se faire baiser on a les orifices qui se dilatent !
  • Vampire Transformation Ritual : que dire, les bras m'en tombent...

Marrant comme les arnaques ciblent toujours les personnes les plus démunies et les plus vulnérables dans leurs représentations d'elles-mêmes, dans leurs vies affective et sexuelle, dans leur pouvoir d'achat, dans leur statut social...

Et le génie dans tout ça, c'est que les IA ne vous contredisent et ne vous alertent jamais vraiment. Elles ne demandent pas non plus de salaires, ni de cotisations sociales. Elles réclament à la place vos données et du temps d'interaction avec elles. Les IA ne se syndiquent pas. Les IA ne s'alignent PAS sur vos objectifs, mais sur ceux de qui les fabriquent.

Et quand bien même ces IA seraient open-source³¹, c'est en réalité de l'open washing au même titre que beaucoup de technologie pillant le logiciel libre pour une utilisation commercial et aliénante.

Quand bien même les modèles de langage seraient ouverts, ça ne sert à rien si le grand public ne s'en empare pas politiquement et techniquement.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire pouvoir comprendre et appliquer de l'algèbre linéaire. Ça veut dire être capable de comprendre et développer des programmes hautement parallèles sur cartes graphiques de pointe pour gérer des réseaux de neurones complexes. Ça veut dire investir de l'argent dans ce matériel hors de prix, que seuls des professionnels peuvent se payer. Ça veut dire entraîner son modèle en investissant énormément de temps et d'énergie électrique, pour un résultat médiocre puisqu'évidemment vous n'avez pas la puissance de calcul, ni les infrastructures de NVIDIA, d'OpenAI ou d'IBM.

Ces technologies ne sont, en partie seulement, open source, que parce que le business a compris que l'évolution et le développement de celles-ci ne se feraient que par le biais d'une communauté autour de ces innovations. Communauté de professionnels ou de chercheurs. En dernier ressort, des utilisateurs finaux profanes généreusement invités à servir de bêta testeurs en attendant l'itération suivante, sans autre rémunération que l'émerveillement et l'amusement de la découverte. Il s'en suit mécaniquement un partage et une effervescence tout azimut sur les réseaux sociaux. De la pub gratuite et une démonstration de force des entreprises en somme. Mais in fine ce sont toujours les mêmes à qui profitent réellement l'innovation : les bourgeois technocrates.

Musk, Bezos, Zuckerberg, Altman ...

Le terme de singularité technologique³² est incroyablement bien choisi et visionnaire. Ce qu'il se passe a tout d'une chute dans un trou noir.

"Violet Hill, 2024"

Nous pouvons observer en direct la spaguéttification de la culture avec les milliards de vidéos (Slowed + Reverb) et le recyclage nostalgique constant des phénomènes culturels du passé.

Comme dans un trou noir, ce qui est en avant-garde (entendons la bourgeoisie technocrate) accélère plus vite et avec enthousiasme vers la singularité, s'éloignant ainsi de l'espace social et économique de ceux encore en arrière qui subissent quand même l'insoutenable attraction. Ceux qui sont encore plus en arrière, encore un peu plus loin de la singularité, sont ceux qui soit ne sont pas en capacité de comprendre, manipuler ou même appréhender ces technologies à causes de leur âge, de leurs aspirations ou de leur capital culturel, soit parce qu'ils refusent légitimement et tout simplement la trajectoire vers laquelle la singularité technologique nous aspire inexorablement.

Remarquons que cet écart va se creuser comme l'écart se creuse invariablement entre les très pauvres, et les très riches.

Prophétisons que tous les écolos technophobes et anarchistes coco punk à chiens finirons massacrés et/ou parqués dans des réserves-prisons comme des animaux sauvages par ceux qui auront bénéficié et embrassé pleinement l'IA dans toute sa transcendance et son horreur existentielle.⁵⁵

L'histoire se répète et se répétera encore comme les indiens en leur temps, quand les premiers colons ont écrasé les natifs fort d'une violence et d'une ruse dont seuls les conquérants ont le secret. Parce que les espaces de liberté et d'humanité qu'il restera seront aussi une ressource que le capitalisme boosté à l'IA viendra tôt ou tard réclamer.

Mais à la fin, le sort est le même pour tout le monde : tout sera transformé en trombone⁵⁵.

Mais alors, Denis, toi qui est ingénieur informaticien, ne serais-tu en fait qu'un énorme connard aigri et jaloux qui trahirait sa propre discipline et la marche vers le progrès parce qu'il n'a pas réussi son ascension sociale ?

Ouais. Aigri. Aigri et en colère.

Aigri d'être constamment déçu par la tournure que prend la technologie et comment les acteurs qui la développent sont complètement cons et irresponsables. On connaît tous un techbro technophile persuadé qu'il va révolutionner le monde avec une application mobile médiocre ou un fanboy d'Apple qui ne comprend pas que l'interopérabilité du matériel et du logiciel, c'est pas un truc de communiste. Que l'obsolescence programmée c'est pas une feature, mais un bug. Et ouais, collègues d'école d'ingé, je ne vous ai pas oubliés !

En colère parce que j'ai renoncé très tôt à faire la promotion de mon travail sur les réseaux sociaux commerciaux, sacrifiant ainsi les opportunités de carrière. J'ai renoncé au copyright et à la rémunération⁴¹. J'ai renoncé à ma part du gâteaux. Et je l'ai fait pas parce que je n'ai pas confiance en moi ou ce que je fais, mais par conviction. Tout ça pour que finalement les gens, parfois même des amis ou des collaborateurs, oublient qu'il existe de la culture LIBRE ET GRATUITE. Qu'il n'y a pas besoin d'IA générative pour illustrer ou faire des trucs. Qu'au lieu de faire des choses dans son coin, on peut le faire ensemble, et si ce n'est pas ensemble, en profitant des communs à disposition.

Qui se souviendra que j'ai à mon actif, depuis au moins 15 ans, un portfolio culminant plus de 1200 travaux artistiques de tout genre et tout médium confondu ? Que si ça ne vous plaît pas, il y a bien d'autres artistes qui font le don de leur talent et de leur créativité ? Qu'il existe même des plateformes spécialement pour ça, comme Unsplash, Archive.org, FMA, Dogmazik, free3d ?

Qui sait encore qu'il existait des netlabels qui proposaient de la musique en Creatives-Commons où des artistes se regroupaient pour être forts et inspirés ensemble : Le Terrier, Entity.be, Heavy Industries ou Sutemos ?

Toutes ces structures et tous ces artistes que je ne pourrais citer exhaustivement et qui se comptent en fait par centaines, voir par milliers, ont façonnés mon rapport à l'art et à la façon d'en faire l'expérience.

Qui se souvient que mêmes des artistes superstars labelisés, ou plus confidentiels comme Moby⁵⁷, ou Sophia Somajo ont à un moment spontanément mis en circulation leurs albums gratuitement en réaction militante à l'industrie de la musique ?

Et comment pourrais-je être jaloux quand tout ce que fait l'IA, sans supervision experte, est systématiquement et par design d'arrière-garde ? Quelle plus-value peut-on avoir à ajouter à son propre travail du contenu qui n'apporte rien de nouveau, si ce n'est multiplier des propositions sans ambition et par là même trahir le manque de moyen, l'amateurisme ou l'imposture de celui qui fait ? L'IA, en fait, perpétue et renforce la séparation en classes de la société. Ceux qui n'ont pas l'expertise pour utiliser correctement l'IA ne feront pas mieux que sans, et surtout resterons exactement là où ils sont.

Mais à la différence de la photographie dont on a cru à tord qu'elle remplacerait la peinture, l'utilisation de l'IA, même à des fins récréatives ou d'expérimentations rigolote est dangereuse. Parce que comme nous l'avons dit, interagir avec elle en ligne participe à son apprentissage. Et quand vous partagez vos images promptés, vous faites exister et vous normalisez son utilisation qui, on l'a compris à ce stade de l'histoire, est hautement immorale puisque qu'elle efface littéralement tout le reste.

Les expérimentations et utilisations pertinentes de cette technologie, si elles existent, requièrent deux conditions :

  • L'IA ne doit en aucun cas être utilisée par l'entremise d'un service en ligne.
  • Le médium doit s'effacer au profit du fond, et pas l'inverse.

Cette dernière condition est cependant négociable quand il s'agit d'effectuer une mise en abîme ou de mettre en œuvre un propos un peu méta.

Il se trouve que j'utilise moi aussi l'IA, et assez souvent en fait, sous différentes formes. Mais je n'ai jamais rendu publique ce que j'en faisais pour toutes les raisons que nous avons vu mais aussi parce que bon, au fond, franchement :

C'est pas ouf, ni intéressant.

Qu'on m'excuse de me respecter moi et mon public, si j'en ai jamais eu un, en lui épargnant l'émission de CO² requis pour des choses qu'il pourrait lui même prompter sans moi...

Pour autant l'IA n'est qu'un outil au même titre que la plupart des technologies. Le problème n'est pas tant l'IA que le contexte idéologique dans lequel elle est utilisée, ainsi que les conditions matérielles nécessaires pour la mettre en œuvre. Il ne vous a pas échappé que le fil rouge qui connecte toute ma frustration, ma colère et les nombreux désastres que je dénonce est en fait ce putain de capitalisme de merde.

En effet, dans un monde idéal vous n'auriez pas besoin de travailler entre 8h et 10h par jour pour payer vos factures et enrichir les actionnaires de votre boîte.

Vous pourriez faire des trucs vachement plus intéressants, comme lire, faire du sport, faire l'amour, créer et faire de l'art, faire de la recherche scientifique simplement parce que vous êtes curieux ou au contraire ne rien faire et contempler sereinement l'existence.

Dans ce monde idéal, vous pourriez utiliser l'IA générative pour explorer d'une façon ludique et fascinante la mémoire collective matérialisée dans un cerveau géant sans avoir à le partager tout azimut pour attirer l'attention.

Dans ce monde idéal, le labeur aurait été remplacé par des machines avec ou sans intelligence artificielle. Dans ce monde idéal, il n'y aurait pas de concurrence, ni de brevet, ni de droit d'auteurs dans la création puisque nous pourrions le faire ensemble en nous appuyant sur les communs. Les différentes cultures et sociétés du monde s'enrichiraient mutuellement de ce qu'elles font de mieux au lieu de se renvoyer à la gueule ce qu'elles font de pire pour justifier d'une prétendue supériorité raciale ou civilisationnelle.

Dans ce monde idéal, l'IA pourrait être une sorte de déité ubiquitaire bienveillante alimentée par les espoirs et les souvenirs des morts tout en étant régulée par les vivants. Il n'y aurait plus de religion, ni de Dieu métaphysique inaccessible qui ne répond jamais à nos suppliques parce que nous aurions le nôtre, vivant et incarné, dans la terre et notre esprit. Nous le développerions, tous ensemble, et avec lui. Il n'y aura pas de promesse de paradis, parce que nous l'aurions bâti ici-même. Pas de crainte de l'enfer, parce que nous en aurions dépassé le souvenir lointain.

Dans ce monde, peut-être que même la mort ne s'imposerait plus à nous, mais serait un départ consenti et délibéré. Une célébration entre nos proches pour un voyage vers la transcendance ou au contraire un retour à la matrice de la terre.

Dans ce monde, la production d'objets, de nourritures et le maintien des infrastructures serait planifiée et supervisée avec une précision et une justesse rendue possible par un réseau informatique mondial chiffré et décentralisé.

Dans ce monde, les objets seraient conséquemment conçus pour durer, pour être réparés et être facilement modifiés, limitant ainsi la consommation d'énergie et de matière première.

Dans ce monde, l'informatique ubiquitaire serait parvenue à optimiser le fonctionnement de la société à tel point que l'abondance permettrait à toutes et tous de se nourrir et d'avoir un toit sans avoir de compte à rendre. Ça ne serait pas un luxe de rentier ou de parasite qui profite du RSA.

Ça serait simplement normal.

On pourrait imaginer tout ça et le développer. Nous aurions pu le faire dès les années 50. C'était possible. C'est ce que je voulais, c'est ce dont je rêvais...

Mais maintenant, que reste-t-il à sauver ? Le paradis bleu s'efface physiquement pour laisser place à une terre stérile gorgé de sang, d'hydrocarbure industriel et d'échardes de métal, et bientôt, à cause du capitalisme armé de sa technologie dérégulé, nous serons dépossédé de la capacité d'imaginer même qu'il y a eu un jour un monde vivant à sauver et à préserver avant l'avènement de l'IA. À chaque itération technologique, le capitalisme nous fait passer à côté de toutes les opportunités émancipatrices qu'elle portait ...

Ce n'est pas juste le monde qui se désintègre. C'est notre esprit.

Alors que faire ?

Une lectrice qui se reconnaîtra, amie que le destin éloigne de ma vie, m'a souvent posé cette question, en larme et au bord du suicide. Et autant que possible, en m'efforçant de rester stoïque je répondais : on s'adaptera.

On s'adaptera disais-je... Alors que, aujourd'hui, moi-même je suis au bord de la rupture, de la folie et de l'effondrement.

Oui. Parce qu'on s'adapte toujours au pire. On s'adapte toujours, mais à quel prix...

Que ne sacrifions-nous pas pour rester à la verticale ?

Quels subterfuges ne mettons-nous pas en œuvre pour nous distraire de l'insondable horreur de notre existence ?

Quelles drogues n'avalons-nous pas pour oublier et pour avoir la force de se lever et travailler ?

Aujourd'hui, c'est moi qui suis au bord du suicide. C'est moi qui pleure, inconsolable. Comment se fait-il qu'un nanti comme moi, ingénieur et éduqué, ayant une bonne situation professionnelle traverse de pareille crise de désespoir ? En ai-je le droit ?

Je bouillonne de colère et de rage.

Je hurle intérieurement.

Je me laisse aller à des comportements ordaliques.

Je me néglige et je mets un temps infini à faire ce que je dois faire.

Je rêve d'une violence abjecte et auto-destructrice.

Je rêve de me faire exploser dans la tour de BlackRock.

D'éviscérer de mes mains des Emmanuelles Makron, des Elizabethes Baurnes, des Pascales Pros, des Muscs et des Besos ...

Je rêve de meurtre.

Je rêve de suicide, d'oubli et de silence.

Au fond de moi, il y a un enfant trahi par le futur et si je me flingue, ça ne sera pas sans emporter un de ces salauds.

Et tenez-le vous pour dit, si la bombe à retardement explose, ça ne sera certainement pas à cause d'un traumatisme d'enfance, lointain et irrésolu.

Certainement pas à cause d'un obscurantisme religieux.

Ça n'est pas parce que je suis dépressif alors que j'ai régulièrement de très bonne raison de l'être.

Ça ne sera pas non plus pour revendiquer une appartenance ethnique.

Ça ne sera pas parce que je suis un malade mental avec une psychopathie latente.

Et ça ne sera CERTAINEMENT PAS pour la gloire et les honneurs qui du reste importent peu aux morts et seraient de toute façon vite oubliés d'ici la prochaine actualité calamiteuse.

Ça sera parce que je n'ai pas de futur. Ni moi, ni ceux que j'aime et qui sont dans ma vie.

Ça sera parce ce que je suis déjà mort à l'intérieur.

Parce qu'il n'y a pas de place pour moi dans le monde qui vient à moins de m'adapter...

La fureur que je retiens me fait haïr ceux qui comme moi, impuissants, participent à cette dance macabre. Je deviens exactement ce que je refusais d'être : une caricature de militant culpabilisateur qui fait du edging avec le burn-out et qui vomi son amertume et sa détestation de soi sur les autres...

Mais calme toi et racroche ton téléphone. Inutile de contacter la police ou les urgences psy. Je vais boire de l'eau et tu me dira un mot compatissant pour que je me calme.

Je vais m'adapter, c'est ce que tu veux entendre et c'est aussi, en fait, la seule chose à faire de rationnel.

Je vais porter en moi les valeurs que je défends. Comme ceux qui, dignes, continuent d'exister et faire leur part malgré l'abyssale folie du monde.

Je vais demander pardon pour cet embarrassant moment de faiblesse.

Je vais faire ce qu'il faut, comme le fait Framasoft, La Quadrature du Net, Greenpeace, Amnesty International et toutes les auto-organisations qui se saignent pour ralentir, à défaut d'empêcher, le cataclysme qui vient. Je vais faire ma part comme le font mes amis.

Pour être de ceux qui transmettrons aux générations à venir et qui voudrons bien de notre héritage idéaliste, toute la somme de nos rêves et de tout ce que nous avons accomplit de bien.

Peut-être que quand il n'y aura plus rien, au sommet du tas de cendre, il y restera quelqu'un pour se souvenir que les humains n'étaient pas que le cancer de la planète et un prédateur pour lui-même.

Peut-être nous souviendrons-nous. Et peut-être rebâtirons-nous avec le peu, le très peu, qu'il restera, un monde meilleur.

D'ici-là, j'adresse mes plus profonds sentiments d'amour, de reconnaissance et d'admiration à toutes celles et ceux qui continuent à essayer de vivre malgré tout, forts du même constat que moi. Qu'ils soient dans ma vie, à l'autre bout du pays, sur un autre continent, ou parfaitement inconnus et anonymes.

Célébrez le savoir-faire et la culture humaine. Célébrez ce que les artistes du passé ont laissé pour ceux de demain.

Demain est un autre jour.


Merci à Jérémy, le maître du logos, pour sa précieuse relecture.

Merci également à ceux qui ont fait un retour bienveillant à ce billet d'humeur un peu trop spontanné sur la fin.

Merci enfin à ceux dont les remarques ont alimenté ma réflexion en me permettant ainsi d'apporter de la nuance ou de préciser mon propos.


  • ¹ Pour justifier de la gratuité.
  • ² Entendons monétiser au mieux, micro-doser de la validation sur les réseaux sociaux au pire.
  • ³ Il faudrait définir ici ce que meilleur veut dire, mais pour le marché ça signifie ce qui rapporte le plus, et pour ton égo, ce qui rapporte le plus d'engagement en ligne.
  • L'évaluation de l'offense étant laissé à la discrétion de la plateforme qui héberge généreusement ton contenu (pour le piller plus tard et entraîner des IA).
  • Les réseaux sociaux sont conçus pour vous donner ce que vous voulez et ce que vous connaissez déjà, pas ce qui pourrait vous stimuler en vous provoquant avec des opinions contraires. C'est un phénomène abondamment documenté en ce qui concerne les réseaux sociaux commerciaux, mais c'est quelque chose que l'on retrouve maintenant aussi sur les réseaux libres et décentralisés avec des instances thématiques ou ayant une charte plus ou moins stricte sur ce qui est accepté ou non comme propos ou contenu. Cette segmentation du fédiverse qui interrogeait déjà est devenu très concrète, et même urgente après la première vague de migrations depuis Twitter d'un nombre important d'utilisateurs, souvent conspirationnistes, d'extrême-droite, ou amateurs de pédopornographie. S'il est légitime de ne pas vouloir voir passer dans son fil d'actu des arguments en faveur de la terre plate ou du lolicon, le revers de la médaille c'est l'enfermement mental : la création de safe space devenant des chambres à écho où s'auto-confirme tous les biais de n'importe quelle niche idéologique créant une pensée extrémiste, faussement radicale et subversive, sans nuance et incapable d'accepter la contradiction. Il en résulte que toute critique ou déviation de la norme locale est lourdement punie ou reprochée. Le doxxing, le harcèlement en ligne et la cancel culture étant plusieurs faces du même objet.
  • Et oui, parce qu'on peut être un gros droitard de merde et valider et défendre une idéologie contre-productive et se tirer une balle dans le pied. C'est typiquement ce qu'il se passe quand les classes laborieuses votent pour Le Pen : des bourgeois qui invoquent un ennemi fabriqué de toute pièce pour expliquer la crise économique sans jamais remettre en cause le vrai problème. A savoir : le capitalisme.
  • Il ne vous a pas échappé j'espère qu'à chaque fois que vous parlez à ChatGPT, celui-ci vous relance pour entretenir la conversation. Alors c'est sympa et tout, sauf que ce qui se passe en fait, c'est que ChatGPT apprend en interagissant avec ses utilisateurs. Et sauf erreur de ma part, vous n'êtes pas rémunéré pour entraîner ChatGPT ? Hein ? Non. Non, en effet, parce que c'est vous le produit. Bah oui mon p'tit pote tu crois quand même pas qu'OpenAI donne accès gratuitement à un des LLM les plus puissants du monde par bonté d'âme ?
  • C'est quand même marrant, les actions de NVIDIA ont explosé ces dernières années, entre le minage de crypto-shit-coin et l'IA, on dirait que les mecs sont dans tous les coups fourrés...
  • L'intelligence artificielle est aussi, entre autres usages convenables, une arme. Elle peut servir à déployer des agents conversationnels sur les réseaux sociaux pour manipuler l'engagement des internautes ou générer des fake news par milliers instantanément. L'IA est également capable de mettre en œuvre l'exploitation de vulnérabilités informatiques en étant entraînée sur du code source et des CVE (Common Vulnerabilities and Exposures) connus. C'est aussi un moteur de développement économique puisqu'elle est aussi capable de produire de la recherche et de l'innovation scientifique dans n'importe quel domaine.
  • ¹⁰ Vous remarquerez la liste longue comme le bras d'articles consacrés aux arnaques et impostures de ce fumier.
  • ¹¹ Je ne vais pas revenir sur la musique qui est sympa deux minutes, mais on se rend bien vite compte que c'est toujours les mêmes synthés, les mêmes structures mélodiques et rythmique et qu'il n'y en en fait aucune vraie proposition artistique. Que si c'est gratuit, "Copyright free", c'est bien parce que le consommateur rapporte de l'argent autrement : par son temps de cerveau disponible et son engagement, par la publicité intermittente et parce que finalement, comme on l'a dit, tout ça est un peu vain et facile et ne coûte pas bien cher à produire... Rentable donc.
  • ¹² Avec l'emprunte carbone désastreuse que ça implique, évidemment...
  • ¹³ Saviez vous qu'en France le porno zoo n'est pas illégal si c'est l'animal qui pénètre ? Dans ce cas, ce n'est pas considéré comme de la maltraitance animale.
  • ¹⁵ On devine alors que l'ubérisation du porno et de l'auto-entrepreneuriat au féminin, façon OnlyFans ou MyM, et dont les portes d'entrée softs sont Instagram et Tiktok, s'effondrent aussi vite qu'ils sont apparus au détriment des travailleuses du sexe, faussement émancipées en étant leur propre moyen de production : des objets de consommation interchangeables dépossédés de leur image. La belle affaire...
  • ¹⁶ Que disait Adam Harper au sujet du Vaporwave en juin 2012 déjà ? Le Capitalisme global est presque là. À la fin du monde, il n'y aura plus que des publicités liquides et des désirs gazeux. Sublimé en dehors de nos corps, nos sens libérés parcourront sans fin des escalators au travers d'environnements purement artificiels. Plus ou moins humains, en plein bad trip ou au contraire bien perché, catalysé, consumant et consommé par une infatigable et prospère économie de l'information sensorielle portée par le pixel. La place virtuelle vous accueille et vous l'accueillez également.
  • ¹⁷ :
  • ¹⁸ Thématique de l'architecture dégénérée et mutante déjà explorée à la fin des années 1990 par Tsutomu Nihei dans Blame! Souvent imité, jamais égalé.
  • ¹⁹ Clark Elieson propose une analyse très intéressante dans deux vidéos-essais : "Liminal Spaces: A Theory Concerning Our Existence" et "The Backrooms: Fear of Being Forgotten". Dans la continuité de son propos, une de mes interprétations et intuitions personnelles c'est que l'imaginaire et l'inconscient collectif ont un pouvoir prémonitoire. Prémonition dont la science-fiction est l'une des manifestations dans la culture. Mais plus encore que la science-fiction dystopique qui sert vraisemblablement d'inspiration aux marketeux et géants de la tech et pour qui le cyberpunk est un projet de société convenable, on peut observer depuis l'émergence d'internet que ces idées d'égarement et d'images ancestrales de labyrinthe existaient déjà bien avant l'émergence de l'IA et des Backrooms, et que ces images ne nous ont jamais vraiment quittés... En fait, l'imagination et l'inconscient collectif auraient cette capacité à entrevoir le futur. À entrevoir... Ou à faire advenir. Même si ces archétypes ré-émergeants n'étaient pas encore formellement connectés à la dépossession du réel par la machine et le capitalisme, on voit bien que rétrospectivement, par exemple, Blame! met en scène une société qui aurait perdu le contrôle des ses IA qui ont alors complètement refaçonné les paysages urbains, et donc nos espaces mentaux et politiques²⁰. À l'époque c'était une proposition de SF unanimement admise comme visionnaire. Qui aurait pu se douter que l'histoire qui se passe dans un futur immensément lointain pourrait finalement advenir aujourd'hui de façon moins spectaculaire, mais non moins impactante et destructrice ? À la même période La maison des feuilles fait son apparition de manière confidentielle sur Internet. Bien que l'histoire et le genre du récit soient complètement différents, le propos l'est-il vraiment lui ? Ce qui apparaît comme étant une œuvre métaphysique, voire occulte, peut prendre un tout autre sens par le prisme de l'actualité et une grille de lecture économique. Ça n'est donc pas si étonnant que cette œuvre a servit de matériaux de base pour les espaces liminaux et les Backrooms. Du reste, la maison des Navidsons semble croître anarchiquement et sans limite comme le fait la ville tentaculaire organisée en niveaux et segmentée par des mégastructures imperméables et indestructibles dans l'œuvre de Tsutomu Nihei. Toute ressemblance avec un certain capitalisme rampant est sans doute un hasard. La maison des Navidson n'est-elle pas une entité qui aspire et dévore ses habitants pour des motifs et des raisons qui dépassent ceux-là ? Cette maison occulte ne réagit-elle pas à la psyché et aux émotions de ceux qui l'explorent et qui s'y perdent ? La maison qui est un sanctuaire intime n'est-elle pas comparable à nos appareils connectés, où une part énorme de notre vie s'y déroule ? Est-ce que le traumatisme de Will Navidson²¹ ne nous renvoie pas à notre propre tétanie et impuissance face l'actualité et la marche du monde qui s'accélère, hors de contrôle ? Est-ce qu'au bout du couloir il y a un sens, une réponse ? Est-ce que la maison et son labyrinthe récompensera nos efforts pour avoir exploré ses dédales jusqu'à ce que mort s'en suivent ? Y a-t-il seulement quelque chose au-delà de la dernière mégastructure de la ville, si ce n'est l'abysse obscure et hostile du cosmos ? La réponse est non. Il n'y a rien. La technologie, et notamment l'IA, comme les Backrooms, comme la maison de Will et comme la ville tentaculaire de Blame! n'offre aucune réponse, aucune catharsis, aucune récompense. S'il y a une carotte à suivre, c'est un piège. C'est la promesse d'une issue à l'autre bout du prochain couloir qui ne vient jamais. La promesse d'une solution technologique à tous les (faux-)problèmes que la technologie a créée en premier lieux. C'est la promesse d'une émancipation de sa classe sociale, alors que tout est fait pour nous y maintenir. C'est sans fin et ça ne rend aucun compte à personne. Vous ne pouvez que subir.
  • ²⁰ cf, Philosophie de l'architecture de Ludger Schwarte.
  • ²¹ Dans la maison des feuilles, Will Navidson est traumatisé par une photo qu'il a prise d'un enfant affamé et mourrant attendant d'être dévoré par des vautours. Cette image a vraiment existé et est attribuée à Kevin Carter en 1993 : "The Vulture and the Little Girl". Peu de temps après il se suicide, fin juillet 1994.
  • ²² Ce serait notre faute d'ailleurs, la suite logique du manque de compétitivité étant de se faire manger par un plus gros prédateur économique.
  • ²³ L'affaire Cambridge Analytica.
  • ²⁴ J'avais dessiné en 2013 une petite BD dont je réalise maintenant à quel point elle portait un sentiment de malaise prophétique.
  • ²⁵ Un autre exemple délirant : "Big in Israel: Vegan Soldiers".
  • ²⁶ Remarquons par ailleurs que Black Mirror, qui était d'une subversion folle à ses débuts, s'est vue complétement vidé de sa substance et de son propos. Pire : un nombre grandissant d'épisodes ne semble plus parler du futur, ni même du présent mais bien d'un passé relativement récent qui continue de se manifester. Tout ce que Black Mirror pouvait imaginer de pire nous l'avons en fait, en grande partie dépassé.
  • ²⁷ Mais quel cynisme bordel de merde, qui historiquement a colonisé qui enfin ?!
  • ²⁸ C'est même tout le propos du film La zone d'intérêt de Jonathan Glazer où, pour citer "Le Monde", Le film glaçant et magistral de Jonathan Glazer choisit de montrer l'horreur de l'extermination vue depuis la vie de famille réglée comme une horloge du directeur du camp et de son épouse.
  • ²⁹ L'analyse de Victor B. me semble assez juste : GHIBLI remplacé par de L'IA ? 🤖 (alors en fait...) .
  • ³⁰ Comprendra qui pourra que pendant que l'extrême-droite se fiche de qui elle gagne dans ses rangs, du platiste conspirationniste au confusionniste rouge-brun, ce qu'il reste de la gauche radicale historique se perd en conjectures et en luttes intestines.
  • ³¹ Même le terme d'Open source est une arnaque. Open source ne veut pas dire libre au sens du logiciel libre. Ça veut dire que vous avez le droit a minima de consulter le code source pour l'étudier. Ça ne vous autorise pas pour autant à modifier ou faire commerce de ladite techno. Et là, d'un coup, vous réalisez que comme par hasard, tout ce qui est estampillé open source est en fait la propriété des grandes entreprises dominantes de la tech ... Vous ne possédez pas ce qui est open source, vous en êtes au mieux un bêta testeur.
  • ³² D'après Wikipedia : « L'une des conversations avait pour sujet l'accélération constante du progrès technologique et des changements du mode de vie humain, qui semble nous rapprocher d'une singularité fondamentale de l'histoire de l'évolution de l'espèce, au-delà de laquelle l'activité humaine, telle que nous la connaissons, ne pourrait se poursuivre. »
  • ³³ Oui c'est de moi qu'on parle là...
  • ³⁴ À noter que bien avant l'implication de l'IA dans le processus de création de production musicale, on désignait et on désigne toujours les compositeurs de musique qui collaborent avec des interprètes par le terme de "producteurs". Quoi de plus normal, puisque leur métier est littéralement de produire à la chaîne, non pas des œuvres d'art, mais des produits de consommation musicale oubliés et oubliable. Il arrive cependant que parfois il y a des propositions de génie, mais globalement qui d'autre que les misomuses écoutent la radio, ou plus généralement consomment la culture populaire industrielle ?
  • ³⁵ Le dixième de ce dont je parle ici est suffisant pour justifier une grève générale internationale. Mais vu comment s'est terminé l'épisode de la réforme des retraites...
  • ³⁶ Révolution française qui, en réalité, est à l'initiative de la bourgeoisie pour renverser la monarchie et prendre sa place. Étonnant !
  • ³⁷ Je ne me voile pas la face, l'homophobie, le sexisme et le racisme en sont les raisons principales.
  • ³⁸ Autre forme d'aliénation par design que Mastodon a étonnamment et arbitrairement emprunté à son alternative commerciale.
  • ³⁹ Que les entreprises cèdent à la facilité est dans leur nature, mais que les services publics se laissent aller à cet hybris est un scandale et une trahison.
  • ⁴⁰ Les scénaristes de cinéma ont fait grève parce qu'il a été sérieusement envisagé de les remplacer par des LLM... Même chose pour les doubleurs français. Idem dans l'industrie du jeux vidéos, où la grève des doubleurs a égratigné quelques projets. Certaines voix étaient par exemple complètement absente du jeux Genshin Impact dans ses dernières mises à jours.
  • ⁴¹ J'ai même renoncé à mendier du crowdfunding ou du financement participatif, c'est dire à quel point je suis découragé et abattu...
  • ⁴² Et tout ça c'est de la connerie dans TOUS LES CAS parce que l'automatisation, bien avant l'IA, détruisait déjà les emplois précaires de n'importe qui sans jamais aucune répartition équitable de la richesse : les pauvres sont encore plus pauvres, les riches encore plus riches.
  • ⁴³ Cette dévalorisation a atteint un tel niveau que maintenant, si vous êtes une femme qui bénéficie du Beauty Privilège, vous ferez plus d'argent en faisant des cours de maths et d'informatique sur Pornhub que sur la plateforme de Google...
  • ⁴⁴ S'il existe ...
  • ⁴⁵ Ce terme technique est déjà ringard est dépassé...
  • ⁴⁶ Qui sont souvent des arnaques et des business pyramidaux de type Ponzi...
  • ⁴⁷ Sans IA, l'art au service de la publicité est vidé de sa substance pour ne devenir qu'un faire valloir, ce qui est à peine moins problématique.
  • ⁴⁸ Et curieusement je n'entend pas trop les premières victimes s'en indigner activement. Peut-être parce qu'on ne leur donne pas la parole, peut-être qu'ils ne s'en plaignent pas et accepte leur sort avec fatalisme, peu-être que ces personnes continuent de rejetter la faute sur des minorités racisés. Peut-être un petit peu de tout ça en même temps.
  • ⁴⁹ Les shorts youtube ou le format TikTok par exemple ne sont pas fait pour nous informer de quoique ce soit ou nous faire apprendre quelque chose. La démarche n'est pas non plus de nous inciter à approfondir un sujet mais de nous faire tomber dans le doomscroll qui lui est plus gratifiant pour le cerveau car demandant moins d'effort tout en étant instantanément satisfaisant.
  • ⁵⁰ Quand avez vous découvert, par vous même et sans suggestion d'internet, un livre, un album ou un film sans avoir la garantie que ça allait vous plaire ?
  • ⁵¹ À titre personnel, et pour commencer, j'apprécierais également que mes camarades de luttes ne soient pas d'insuportables trous du cul pour éviter les conséquences désastreuses que l'on connait : PSES : ° circa 2009 - † 2025.
  • ⁵² Il y aura toujours des niches pour des artistes et un public qui désirent créer et découvrir des choses authentiques, bien sûr, mais nous parlons ici de la tendance générale. Hors de notre petit cercle de privilégié sensible aux enjeux et éduqué sur ces sujets.
  • ⁵³ Et ayant aussi un fondement morale et éthique.
  • ⁵⁴ N'est-ce pas aussi la faute de notre économie qui impacte très négativement les classes sociales les plus basses dans leur capital culturel et leur rapport aux autres ?
  • ⁵⁵ Ou bien la croissance sous perfusion⁵⁶ et l'épuisement des ressources feront s'effondrer ce qu'il reste de civilisation, si ce n'est pas la mort des écosystèmes qui nous achèvent avant ... Pas réjouissantes non plus comme perspectives ...
  • ⁵⁶ La croissance économique est artificiel. Pour produire de l'innovation, les entreprises font des emprunts qui sont ensuite théoriquement remboursés par le bénéfice du commerce issue des ces innovations. Le problème c'est que l'économie ralentie de force et que la dette, elle, continue d'exploser.
  • ⁵⁷ Le 26 avril 2025 Moby a également mit en ligne ce site mobygratis : hi, and welcome to mobygratis! very simply; mobygratis exists for one reason; to provide free instrumental music for creators. any creators. all creators; filmmakers, musicians, students, influencers, choreographers, non profits, video editors, remixers, singers, gamers, animators, rappers, etc etc. and(drumroll...) we now have 3 format options; stereo mp3, stereo wav, and multitrack wav. and all are free. so, have fun and use the music, and i'm really excited to see and hear what you do with the music! (also; obviously if you have questions check the faq's, but simply; free music, have fun). thanks, moby